Green tracking : Révéler les coûts environnementaux cachés du tracking web

Green tracking : Révéler les coûts environnementaux cachés du tracking web

Dans le paysage numérique contemporain, le web tracking s’est érigé en un phénomène incontournable. Employée par les entreprises et les annonceurs afin de collecter des données sur les comportements en ligne des utilisateurs, cette pratique est désormais ancrée comme un pilier fondamental de l’économie numérique. Pourtant, au-delà de cette surveillance en ligne omniprésente, se dissimule un aspect souvent sous-estimé : son impact sur l’environnement.

C’est dans cette optique que cet article prend naissance, avec pour dessein d’éclairer les enjeux sous-jacents du web tracking et de susciter une prise de conscience collective quant à son incidence écologique. En incitant à une réflexion approfondie, il aspire à ouvrir un dialogue sur la manière dont nous pourrions harmoniser les impératifs économiques avec les préoccupations environnementales au sein de ce paysage numérique en perpétuelle mutation.

 

Comprendre le web tracking

Le web tracking, ou suivi en ligne, est représenté par un ensemble de pratiques appuyées par des technologies visant à capturer les comportements des utilisateurs sur les plateformes digitales (ordinateur, tablette, téléphone, borne interactive…)

Cette collecte exhaustive touche tout l’écosystème digital, des premières recherches effectuées sur les canaux digitaux (moteurs de recherche, liens sponsorisés, réseaux sociaux, emails…) aux conversions réalisées sur les sites des annonceurs suite à différentes interactions appuyant ou non l’engagement des internautes.

Ces données, une fois agrégées, fournissent aux entreprises et aux annonceurs une mine d’informations précieuses pour personnaliser les publicités, améliorer l’expérience utilisateur et orienter leurs stratégies et investissements marketing.

Parmi les techniques de tracking les plus répandues, les cookies occupent une place prépondérante. Ces fichiers texte (format JavaScript), déployés par le navigateur lors de la visite d’un site Web, peuvent être classés en deux catégories principales : les cookies first-party, émanant directement du site visité et souvent utilisés pour suivre la performance du site et optimiser l’expérience utilisateur, et les cookies third-party, émis par des domaines tiers, notamment des éditeurs digitaux (médias, réseaux sociaux…), pour monitorer la performance de leurs campagnes marketing, suivre les parcours des utilisateurs à travers différents sites et construire des profils d’intérêts.

Parallèlement aux cookies, les pixels de suivi, ces minuscules images dissimulées dans les pages Web, collectent une myriade de données, des pages visitées aux actions effectuées sur le site, permettant ainsi une surveillance fine des comportements des utilisateurs. Une autre méthode, le fingerprinting, identifie les utilisateurs en fonction des caractéristiques techniques de leur appareil, créant ainsi une empreinte digitale unique difficile à contourner, même en supprimant les cookies ou en changeant de navigateur.

Voici une extension permettant de savoir à quel point votre empreinte numérique est unique : Am I Unique ?

Alors que le web tracking devient indispensable à l’économie numérique, ses implications dépassent largement les considérations commerciales pour susciter des préoccupations croissantes en matière de vie privée et de sécurité des données. Comprendre ces diverses technologies de suivi en ligne révèle l’omniprésence du web tracking dans notre expérience en ligne, et l’on peut se poser la question de l’impact environnemental de ces technologies.

 

Les impacts environnementaux du web tracking

Le suivi en ligne, bien que vital pour les entreprises opérant sur les médias en ligne, exerce un impact environnemental considérable souvent sous-estimé. Cette partie se penche sur les principaux impacts écologiques associés à la pratique du web tracking.

La croissance constante de la demande en électricité pour alimenter les serveurs et les centres de données aggrave les émissions de gaz à effet de serre, ce qui intensifie le changement climatique. Les données collectées par le suivi sur le web sont souvent stockées dans des centres de données énergivores, engendrant ainsi une empreinte carbone significative. De plus, le traitement et l’analyse massifs des données génèrent des émissions supplémentaires, ce qui amplifie l’impact environnemental de cette pratique. Par conséquent, il est impératif d’explorer des alternatives plus durables pour limiter cet effet néfaste sur notre planète.

Voici quelques données extraites d’une étude réalisée par le Norton Research Group concernant l’empreinte écologique générée par le suivi en ligne à travers l’utilisation de cookies tiers. Cette recherche a porté sur l’analyse de la navigation web de 100 000 utilisateurs. À cet effet, les chercheurs ont employé un outil automatisé pour évaluer le trafic réseau ainsi que l’impact environnemental associé à cette pratique.

  • Le suivi en ligne des tiers augmente les transmissions de données de plus de 21%, ce qui implique l’émission supplémentaire d’environ 11 Mt de gaz à effet de serre dans l’atmosphère chaque année.
  • Les sites web de shopping sont ceux qui ont le plus fort impact sur les émissions, avec 0,82 Mt de CO2 par an.
  • Google, le plus grand tracker, est responsable de 4,38 Mt de CO2 par an, soit 40% des missions mondiales dues au suivi web.

Une autre étude menée par Gerry McGovern en 2015, expert en expérience utilisateur et auteur de plusieurs livres sur la conception numérique, dont World Wide Waste, calcule le coût environnemental de l’utilisation de Google Analytics.

Il estime que :

  • 21,6 ko de données sont transférés vers Google par visite.
  • 50 millions de sites utilisent Google Analytics, selon Marketing Land en 2015 (ce chiffre est très en dessous de ce que l’on peut avoir aujourd’hui).
  • Pour un total estimé de 10 visites par jour par site web utilisant Google Analytics, cela représente 500 millions de pages vues et donc près de 10 800 Go transférés par jour, soit 4 To par an.
  • Selon ses recherches, 1 Go équivaut à 4,2 g de CO2. Ainsi, la pollution causée par la solution Google Analytics s’élève à 16 556 kg/an
  • Chaque site web crée 1 MB de données analytiques par jour, ce qui équivaut à environ 18 millions GB par an. Le stockage de ces données génère 4.7 millions kg de CO2, nécessitant la plantation de 470,000 arbres pour gérer cette pollution.

Ces études révèlent l’étendue de la présence des traqueurs en ligne, mettant en lumière leur omniprésence et leurs répercussions sur la vie privée des utilisateurs, ainsi que leur impact environnemental. Dans la section suivante, nous examinerons les indicateurs pour évaluer cet impact écologique.

 

Comment mesurer l’impact du tracking ?

La simple action de visiter une page web peut engendrer des émissions de CO2 significatives, parfois de manière exponentielle, ce qui découle de la conception propre à chaque site. Distinguer précisément l’empreinte écologique d’une page demeure ardu pour un observateur lambda, bien que certains indices puissent être interprétés par des experts.

Il est crucial de rappeler que l’impact environnemental d’une page web est intimement lié à son volume de requêtes et à son poids total, incluant l’ensemble de ses éléments tels que les contenus, médias, scripts, et autres.

Pour évaluer cet impact, divers indicateurs sont à considérer : le nombre de requêtes au serveur, le poids en mégaoctets de la page et son temps de chargement. À partir de ces données, il devient envisageable de déduire les émissions de CO2 associées à une page spécifique, ainsi que leur équivalence en termes d’émissions de charbon.

Le projet Carbolytics, initié par Joana Moll en 2022, vise à sensibiliser et à inciter à l’action concernant l’impact environnemental de la surveillance omniprésente dans l’écosystème de la technologie publicitaire (AdTech). Il met en lumière les coûts sociaux et environnementaux de la collecte opaque de données. L’étude derrière Carbolytics a identifié les émissions de carbone de millions de cookies appartenant aux sites web les plus visités, révélant une empreinte environnementale significative et souvent ignorée liée à l’activité de suivi en ligne.

  • Plus de 21 millions de cookies ont été identifiés lors d’une seule visite sur les sites web les plus visités
  • Ces cookies appartenaient à plus de 1 200 entreprises différentes
  • Ce qui se traduit par une moyenne de 197 trillions de cookies échangés chaque mois
  • Génèrent environ 11 558 tonnes de CO2 par mois

 

Tonnes métriques mensuelles d’émissions de CO2 par catégorie et organisation

Les résultats de l’étude ont mis en lumière une empreinte carbone considérable liée à l’activité de suivi en ligne, soulignant ainsi l’ampleur de son impact environnemental. Avec des millions de cookies échangés mensuellement et la participation de milliers d’entreprises, les chiffres sont préoccupants. Cela souligne l’urgence d’agir pour atténuer ces répercussions sur notre planète. Pour plus d’informations sur ce projet, rendez-vous sur Carbolytics

Pour vous aider à mesurer l’impact environnemental de votre site web, vous pouvez utiliser cette extension qui mesure le nombre de requêtes et le temps de chargement de votre site web : Website Footprint (google.com)

Une étude exhaustive menée par USENIX, une organisation à but non lucratif spécialisée dans la recherche sur les systèmes informatiques et les systèmes d’exploitation, offre un aperçu approfondi du suivi en ligne. L’analyse s’appuie sur les données recueillies par la fonction GhostRank de l’extension de navigateur Ghostery. Cette recherche englobe un échantillon de 850 000 utilisateurs ayant consulté 440 millions de pages.

Quelques conclusions clés de cette étude sont énumérées ci-dessous : 

  • Plus vous passez de temps en ligne, plus vous rencontrez de traceurs, mais vous rencontrerez le plus grand nombre de traceurs web dans vos deux premières heures de navigation chaque jour
  • Les utilisateurs rencontreront en moyenne 177 traceurs par semaine (parmis les plus récurrent Google, Facebook, Adobe et Appnexus)
  • Plus de 15% des pages contiennent 10 traceurs ou plus
  • Les grandes entreprises comme Google ou Facebook connaissent environ la moitié de l’historique de navigation de la plupart des utilisateurs

 

En résumé, le web tracking s’est largement répandu, façonnant notre expérience en ligne et alimentant l’économie numérique. Il est crucial de comprendre son impact environnemental.

Les données analysées révèlent des émissions de gaz à effet de serre alarmantes, issues de la consommation croissante d’électricité des serveurs et des centres de données, ainsi que de la transmission accrue de données en ligne. Cette situation souligne l’urgence de prendre des mesures environnementales dans notre navigation en ligne.

Par conséquent, il est impératif d’explorer des solutions pour atténuer cet impact. Dans les prochains articles, nous examinerons des stratégies et des innovations pour réduire les émissions de gaz à effet de serre liées au web tracking, tout en préservant son utilité dans l’économie numérique. Restez à l’écoute pour découvrir comment concilier efficacité économique et responsabilité environnementale dans ce monde numérique en constante évolution.

 

Sources :

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